Face à la Chine électrifiée, les constructeurs sauvent leur thermique

Face à la Chine électrifiée, les constructeurs sauvent leur thermique

Les constructeurs réactivent leur motorisation thermique depuis quelques mois.

© VDMA

Alors que la Chine vient de basculer sur des ventes majoritairement électrifiées en avril, l’Europe comme les Etats-Unis sont en plein doute. Par petites touches sur plusieurs de leurs modèles, les constructeurs réactivent leur motorisations thermiques.

Ce n'est pas dit officiellement chez les constructeurs occidentaux... Mais l’inflexion vers le thermique est discrète et bien réelle depuis quelques mois. Face à la baisse des ventes de voitures électriques (BEV) en raison de l’arrêt des aides à l’achat des gouvernements du Vieux continent, les constructeurs ne visent plus un basculement au 100% électriques dans les prochaines années. Le retour du thermique est une réalité qui s’apprécie surtout sur les modèles à gros volumes des firmes automobiles.

La Chine bascule, l’Europe et les Etats-Unis temporisent

En Chine, c’est exactement l’inverse. En effet, du 1 au 14 avril 2024, la vente de voitures neuves est à 260 000 unités en Chine, soit une croissance de 32% par rapport à la même période l’an passé. La part des ventes des BEV et PHEV a dépassé 50%, pourtant cet objectif a été fixé par l'État pour 2035. Un record qui a de quoi faire pâlir l'Union européenne empêtrée dans un objectif de fin du thermique à 2035 de son côté. La croissance des véhicules électriques en Chine est impressionnante. En 2021, les ventes de EVs et PHEVs ont augmenté de 14% ; en 2022, +27% ; en 2023, +33% ; en 2024, au bout de quatre mois, la part des ventes d'eux a dépassé 50%.

En raison de la contrainte de la réglementation CAFE de réductions des émissions de CO2 en Europe, chaque année, le retour à un véhicule thermique pur et simple n’est pas possible, mais il s’agit plutôt de l’hybridation qu’elle soit légère, hybride simple ou rechargeable. Dernier constructeur en date à opter pour cette stratégie : la marque américaine Jeep du groupe Stellantis. Sans en faire une grande annonce officielle, les constructeurs réajustent leur calendrier pour des raisons commerciales, tout d’abord, mais aussi pour anticiper une clause de revoyure en 2026 en Europe qui verrait un arbitrage en faveur d’une prolongation du thermique électrifié et hybride.

Les exemples du retour au thermique se multiplient

En effet, le doute s’est emparé de Jeep. La marque américaine s’interroge sur la pertinence de sa stratégie. Il faut écrire que les chiffres sont implacables. Les ventes du constructeur sont passées de près d’un million (973 227 unités) de véhicules aux Etats-Unis en 2018, à 643 000 l’an dernier.

Confronté à une baisse d’un tiers de ses ventes en cinq ans sur son premier marché, Jeep se mobilise pour arrêter l’hémorragie. Antonio Filosa, son nouveau directeur, affiche l’ambition de vendre deux millions de véhicules à travers le monde à l’avenir. Pour le dirigeant, l’objectif sera de recomposer une gamme à la hauteur de ses espoirs. Car les abandons successifs du Cherokee et du Renegade ont coupé les ailes de la marque du groupe Stellantis. Face à un marché des BEV qui peine à convaincre les acheteurs des deux côtés de l’Atlantique, avec des ventes au mieux en devenir, au pire en repli, le constructeur américain pourrait donc jouer la carte d’une déclinaison thermique de ses modèles.

Jeep, mais aussi le 2008 ou encore les modèles Mercedes

Autre exemple notable : le Peugeot 2008. Véritable succès commercial pour Stellantis, le Peugeot 2008 de seconde génération va rester plus longtemps que prévu au catalogue. Présenté mi-2019 et officiellement lancé en 2020, le SUV urbain devait, logiquement, terminer sa carrière à l'horizon 2027, après huit années de bons et loyaux services. Une durée normale dans le cycle de vie des véhicules.

Selon nos confrères de La Tribuna de Automoción, l'usine Stellantis de Vigo, en Espagne, en assurera la production jusqu'en 2029. Petite subtilité toutefois, seule la durée de vie des versions thermiques du Peugeot 2008 sera allongée. Soit les véhicules équipés des blocs essence 1.2 l PureTech 100 ch et 1.2 l PureTech 130 ch mais aussi du dernier bloc mild-hybrid 48 volts de 136 ch.

Les doutes des constructeurs

L’éclaircie ne semble pas attendue non plus du côté des hybrides rechargeables (PHEV). La publication du rapport de la Commission européenne soulignant des consommations trois à quatre fois supérieures de ces modèles dans la vraie vie, par opposition aux mesures WLTP, interroge sur leur avenir. La question des consommations et de l’autonomie est d’ailleurs le vrai sujet en matière de véhicules électrifiés. Car les chiffres officiels ne résistent pas longtemps à un usage quotidien, en dehors d’un cycle urbain.

Rattrapé par le bon sens des acheteurs, le temps se couvre donc pour les ventes de véhicules électriques. Les campagnes de marketing n’y changeront rien. Mercedes-Benz et Renault en ont pris conscience. Carlos Tavares, CEO de Stellantis, a exprimé également ses doutes sur l’électrique comme solution universelle pour la mobilité zéro émission dans le monde entier, invitant à sortir « d’une pensée dogmatique ».

Si les freins à l’adoption à grande échelle des véhicules électriques se justifient au regard du coût d’achat de ces modèles, il n’est pas certain que la bataille qui se profile autour des BEV à 20 000 euros suffise à renverser la vapeur. Car d’autres menaces planent.

Des calendriers de fin du thermique réajustés

Il convient de rappeler que l'interdiction de vente des véhicules neufs à moteur thermique n'a jamais bénéficié d'un consensus véritable à l'échelle européenne. Des pays tels que l'Italie, la Bulgarie et la Pologne s'y sont même opposés. L'Allemagne et l'Italie ont réussi à obtenir de justesse une dérogation d'un an supplémentaire pour les marques produisant moins de mille véhicules par an. Il y a seulement un an, toujours sous la pression de l'Allemagne, l'Europe a également dû concéder sur l'utilisation des carburants de synthèse.

Soutenue par les aides à l'achat, la vente des véhicules électriques a connu une croissance spectaculaire l'année dernière, mais a ralenti en ce début d'année, notamment en Allemagne. Le scepticisme des acheteurs quant aux coûts supplémentaires des modèles électriques et aux contraintes d'utilisation semble l'emporter sur les préoccupations environnementales. Face à la réalité du marché, des constructeurs tels que Mercedes-Benz et Renault ont déjà ajusté leur calendrier en faveur d'une transition vers le tout électrique.

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